Plus d’épisodes psychotiques, plus grande consommation de médias numériques
MONTRÉAL — Les jeunes adultes qui présentent davantage d’épisodes psychotiques sont aussi de plus grands consommateurs de médias numériques, constate une étude pilotée par un chercheur de l’Université McGill, qui y voit une occasion de rejoindre ces jeunes pour leur proposer des soins et des services.
L’étude ne démontre toutefois pas que la fréquentation des médias numériques augmente la fréquence des épisodes psychotiques ou en aggrave l’intensité.
Environ 5 % des jeunes adultes auraient de tels épisodes psychotiques, que les chercheurs définissent comme le fait de voir ou d’entendre des choses que les autres ne peuvent voir ou entendre.
«Il y a beaucoup de préoccupations (…) quant aux effets des médias numériques sur la santé mentale, a rappelé l’auteur de l’étude, le docteur Vincent Paquin. Mais dans notre expérience clinique, les patients qui ont des troubles psychotiques ont parfois une utilisation importante des médias numériques. Pas toujours, mais dans certains cas, on pense que ça peut être une source privilégiée d’activités, puis aussi une façon de maintenir des interactions sociales.»
L’étude publiée par le journal scientifique Social Psychiatry and Psychiatric Epidemiology s’appuie sur 425 jeunes Québécois âgés de 18 à 25 ans. Pendant les six mois qu’a duré l’étude, les chercheurs ont constaté une association entre la fréquence des épisodes psychotiques et le temps consacré aux médias numériques, comme les médias sociaux, les jeux vidéo et les plateformes de diffusion en continu.
Toutefois, le fait de consacrer plus de temps aux médias numériques ne semblait pas augmenter la fréquence des épisodes psychotiques, a précisé le docteur Paquin.
«Notre recherche ne nous permet pas de suggérer que les médias numériques causent ou aggravent les symptômes psychotiques, a-t-il expliqué. Les résultats suggèrent plutôt que les gens qui ont une tendance ou une prédisposition aux symptômes psychotiques ont aussi une prédisposition ou un intérêt à utiliser davantage les médias numériques.»
Cette association demeure pour le moment énigmatique et d’autres recherches seront nécessaires pour mieux la comprendre, a-t-il reconnu.
Relation complexe
La relation entre la santé mentale et les médias numériques est compliquée, a ajouté le docteur Paquin, et l’association entre les deux dépend de plusieurs facteurs qui varieront eux-mêmes en fonction de l’individu.
Il souligne ainsi qu’utiliser les réseaux sociaux pour rester en contact avec des proches qui vivent à l’étranger est bien différent de les utiliser pour comparer son image corporelle avec celle des autres.
Il existe aussi des facteurs de risque communs à l’utilisation excessive des médias numériques et aux expériences sur le spectre de la psychose, poursuit-il. Des études ont ainsi démontré que les gens qui ont été victimes d’intimidation dans leur jeunesse étaient plus à risque de problèmes de santé mentale, y compris les symptômes sur le spectre de la psychose, et des associations semblables ont été démontrées en lien avec l’utilisation des médias numériques.
Il y a toutefois des raisons de s’intéresser au monde numérique comme stratégie pour augmenter l’accès des gens qui ont des problèmes de santé mentale à l’information médicale et aux soins de santé mentale, a estimé le docteur Paquin.
En connaissant les habitudes numériques des jeunes, et spécifiquement des jeunes qui ont déjà des problèmes ou des vulnérabilités sur le plan de la santé mentale, on pourrait développer des plateformes ou des campagnes d’information qui ciblent mieux cette clientèle, a-t-il dit.
«Il serait peut-être possible de réduire les délais de traitement si on rendait certains services accessibles numériquement, ne serait-ce que par une porte d’entrée, pour encourager des gens qui sont réticents à se présenter en personne ou qui n’ont pas reçu suffisamment d’information à avoir un premier contact avec un professionnel de la santé mentale», a illustré le docteur Paquin.
Pour le moment, a-t-il rappelé en conclusion, le plus important est d’éviter «de sauter aux conclusions quant aux impacts de l’utilisation des médias numériques sur la santé mentale d’une personne».
«Je pense entre autres aux familles qui sont parfois inquiètes de l’utilisation possiblement excessive des médias numériques par un jeune, a dit le docteur Paquin. Je pense aussi au message qu’on envoie parfois sur les plateformes publiques, dans les hôpitaux et dans les écoles.
«Il faut prendre en considération quelles raisons poussent la personne à utiliser les médias numériques. Parce que si on se pose cette question-là, on peut s’apercevoir qu’il y a d’autres facteurs qui sont arrivés avant.»