Travailleurs étrangers temporaires: un défi malgré une exemption pour Exceldor
SAINT-ANSELME. Alors que des entreprises comme Rotobec verront leur ratio de travailleurs étrangers temporaires passer à 10 % au renouvellement des prochains contrats de travail, d’autres comme Exceldor de Saint-Anselme profiteront d’une exemption leur permettant de conserver un ratio de 20 %. Cela vient toutefois avec son lot de défis, comme le confirme Gabrielle Fallu, chef Relations publiques et gouvernementales chez Exceldor.
« Nous devrons réduire ce nombre à 20 %, à partir du renouvellement des contrats, selon les règles qui sont établies depuis le printemps dernier. Nous ne sommes pas touchés par les nouvelles règles qui prévoient un ratio de 10 % de la main-d’œuvre pour tous les corps d’emploi, les domaines de la construction, la santé et de la transformation alimentaire, dont nous faisons partie, étant exemptés de celles-ci », précise Mme Fallu en ajoutant que cette exemption demeure vitale pour l’avenir de l’usine de Saint-Anselme.
« On a travaillé fort pour être reconnus dans ce secteur spécifique. C’est quelque chose qu’on ne tient pas pour acquis, car cela peut changer très rapidement. Ce qui est le pire dans toutes ces mesures qui sont annoncées jusqu’à maintenant, c’est le manque de prévisibilité pour les entreprises. Ces gens-là sont souvent arrivés sur des contrats fermés de 24 ou 36 mois. Chaque travailleur étranger temporaire que nous amenons ici nous coûte 12 500 $, mais cela reste des êtres humains à la base », rappelle-t-elle.
Pour la seule usine de Saint-Anselme qui emploie 668 personnes, on retrouve 206 travailleurs étrangers temporaires, ce qui représente 29,6 % du personnel en place. Avec le ratio de 20 %, l’entreprise devra remplacer 70 employés, ce qui représente un défi énorme selon Mme Fallu.
« Comment fait-on pour remplacer ces 70 personnes à Saint-Anselme, en sachant que nous avons un taux de chômage à 2,7 % en Chaudière-Appalaches. C’est un casse-tête sans nom pour nous aussi. Si on ajoute le fait que la francisation est de moins en moins disponible, c’est évident que cela devient compliqué, dommage et décourageant pour plusieurs de nos travailleurs qui étaient dans le processus », poursuit Mme Fallu qui dit poursuivre ses représentations au niveau gouvernemental, afin de sensibiliser les deux paliers de gouvernements aux réalités de l’industrie.
« En plus de la francisation, on essaie d’évaluer comment on pourra assurer le maintien de nos opérations à 100 % de ses capacités tout en sachant que l’on devra éventuellement et potentiellement remplacer 70 employés. On a un horizon de plusieurs mois pour trouver des solutions à cette problématique, alors nous sommes en mode solution », ajoute-t-elle.
Des nuances
Gabrielle Fallu rappelle que plusieurs nuances marquent le domaine des travailleurs étrangers temporaires, notamment au Québec où il existe une liste des parcours simplifiés comprenant une série d’emplois reconnus comme étant en pénurie chronique, ces emplois ayant un statut illimité.
« Avec les nouvelles règles établies récemment, certains de ces emplois passaient d’illimités à un ratio de 10 %. Pour nous, c’est également 20 % comme le métier de boucher industriel que nous n’avons pas à Saint-Anselme, mais qui est présent à Saint-Damase. Cela dépend des conventions collectives. À Saint-Anselme, c’était la sanitation qui avait ce titre et pour chaque poste, il faut répondre à des critères précis. »
La francisation
La fin des cours de francisation, du moins pour l’année en cours, représente un autre défi pour l’entreprise de transformation alimentaire. » Nos travailleurs étrangers temporaires se francisent aux mêmes endroits que les autres, alors les coupures à ce niveau les ont touchés eux aussi », mentionne-t-elle en rappelant que des secteurs comme celui de Saint-Anselme ont été complètement transformés par l’arrivée des travailleurs étrangers temporaires.
« Cela fait partie des déceptions de nos derniers mois. Même pour certains travailleurs tunisiens, malgaches et autres, le niveau de compréhension du français est important. On a aussi beaucoup de travailleurs d’origine hispanophone, comme chez Rotobec et ailleurs », rappelle-t-elle en précisant que contrairement à l’usine basée à Sainte-Justine, la francisation peut difficilement se faire à l’intérieur de l’usine pour des questions de biosécurité, entre autres.
« On a des personnes qui sont sur des quarts de travail précis et pour qui la flexibilité est moindre. On n’est pas fermés à rien et on regarde comment on peut s’ajuster en matière de francisation, mais c’est un casse-tête. On a participé à différentes tables de concertation afin d’évaluer certains éléments comme le nombre de travailleurs qui étaient en francisation, identifier ceux-ci et dans quels centres de formation ils étaient, que ce soit du côté du Centre de service scolaire des Navigateurs ou de la Côte-du-Sud. On regarde si certains cours se donnent encore, combien de travailleurs ont besoin d’être francisés et vers qui on peut se tourner pour redémarrer tout cela. »
Sensibiliser les gouvernements
Mme Fallu rappelle que tout ce dossier est complexe et surtout très imprévisible pour les entreprises, celles-ci ne sachant jamais quand les prochaines mesures peuvent tomber ou qu’une annonce peut arriver. Comme elle œuvre aux relations gouvernementales pour l’entreprise, elle est souvent appelée à défendre le dossier des travailleurs étrangers temporaires et de l’ensemble des travailleurs immigrants auprès des autorités gouvernementales, qu’elles soient de niveau fédéral ou provincial.
« Le 1er novembre, avec mes collègues d’Olymel, de Sollio et du Conseil de la transformation alimentaire, nous avons rencontré le nouveau ministre de l’Immigration, Jean-François Roberge, pour le sensibiliser à la réalité de la transformation des viandes, des raisons pour lesquelles nous devions faire partie des secteurs exemptés et conserver le ratio de 20 % qui nous a été attribué, ainsi que la réalité de nos usines et du taux de chômage pour chacune de nos régions. On voulait faire comprendre aux autorités gouvernementales l’importance de tenir compte des réalités régionales », souligne-t-elle en ajoutant qu’à la lumière de ses échanges des derniers mois avec les fonctionnaires des différents cabinets, elle avait senti une sensibilité et une écoute de ces derniers vis-à-vis les différences régionales.
« Ce sont des décisions qui relèvent du fédéral, mais celles-ci doivent bien souvent être entérinées par le provincial qui gère la liste des parcours simplifiés et décide d’accorder des exemptions aux secteurs de la transformation agroalimentaire. On passe notre quotidien à comprendre toutes les règles et l’ensemble du programme afin de bien l’appliquer à l’interne. Il faut aussi que cela se fasse dans le respect des travailleurs, car ce sont des humains qui sont concernés dans tout cela. »