La mission humanitaire d’Audrey Therrien

AFRIQUE. Native d’Armagh et finissante depuis peu à la maîtrise en physiothérapie à l’Université Laval, Audrey Therrien a travaillé à démystifier et surtout promouvoir les bienfaits de sa profession auprès de la population du Bénin, en Afrique, au cours de la dernière période estivale.

La Bellechassoise, qui a eu 27 ans en juillet, a passé neuf semaines dans ce pays de l’Afrique de l’Ouest dans le cadre d’un stage à l’étranger.

Le programme de maîtrise dure cinq ans et dès la 2e année, les étudiants décident s’ils souhaitent ou non vivre une telle expérience. «J’ai choisi deux pays d’Afrique, car c’est vraiment là que je voulais aller. Je voulais être déstabilisée et voir vraiment ce qui se passe là-bas», indique Audrey qui ajoute que le Bénin était son premier choix.

«La physiothérapie, dans des pays comme le Bénin, est une science peu connue ou développée du fait que les gens ont souvent tendance à faire confiance à la médecine traditionnelle qui fait appel aux arbres, aux plantes, à l’eau et à l’ensemble des éléments naturels issus du sol», signale la résidente d’Armagh qui, sur place, assistait le président de la Fédération des physiothérapeutes du Bénin qui travaille fort pour faire connaître cette science dans son pays et ailleurs en Afrique.

«Les gens ne connaissent pas cela, ils ne savent pas tout ce qu’on sait ou ce qu’on peut faire. Ils viennent voir les physiothérapeutes seulement quand ils n’ont plus le choix et quand ils voient que la médecine traditionnelle ne marche pas pour eux», souligne-t-elle en ajoutant qu’ils hésitent également à venir du fait que les services de santé sont payants et que, bien souvent, ils n’ont pas l’argent pour se les offrir.

Audrey Therrien ne retient que du positif de son séjour au Bénin où elle souhaite retourner un jour, afin de reprendre le travail effectué au centre de traitement où elle a passé neuf semaines l’été dernier.

«Un forfait pour consulter en physiothérapie avec le médecin et tous les soins, ça coûte 50 000 francs, ce qui équivaut à 100$, ce qui est beaucoup pour eux, surtout quand on sait que les salaires sont peu élevés, quand ils en ont. Les gens bien souvent doivent prendre l’argent de toute la famille pour aller consulter un médecin ou venir au centre de traitement. Ils en sont souvent à un point de non-retour. Tu vois les muscles, certains ont des vers ou des tissus morts. Plus le patient attend, plus c’est difficile de l’aider et plus c’est douloureux pour lui.»

Souffrir et être heureux

Comme les gens qu’elle côtoyait font plus confiance à la médecine traditionnelle, ils n’aiment pas beaucoup prendre de médicaments, incluant les antidouleurs, précise Audrey. «Ils finissent par accepter d’en prendre, car la douleur est intolérable. Cependant, ça dure seulement 24 heures et après, ils n’ont plus d’antidouleurs et n’ont pas d’argent pour en acheter de toute façon.»

Elle dit n’avoir jamais vu des gens souffrir autant et être aussi heureux à la fois. «Quelqu’un a une plaie au pied, il nous dit que ça fait mal, mais il finit par se lever et marcher. Il est content de le faire finalement, même si c’est douloureux.»

Audrey espère éventuellement retourner à Allada, ville de 180 000 habitants où elle vivait et travaillait, afin de reprendre le travail amorcé, continuer à aider la population locale et faire connaître davantage la physiothérapie et ses avantages.

Audrey était également très présente auprès de la population locale.

«On peut leur montrer qu’ils peuvent avoir des soins sans à voir un médecin à chaque fois et que ça ne leur coûtera pas une fortune. Il y a bien des choses que les physiothérapeutes peuvent traiter, sans avoir à passer par un médecin et c’est ainsi plus abordable pour eux.  C’est un enjeu culturel important», poursuit Audrey qui ajoute que la religion vaudou est également très importante au Bénin.

«Ils font appel à de nombreux rituels avec des chants pour la santé. C’est très présent au nord du Bénin, mais c’est très différent de ce qu’on peut voir à la télévision. Les professionnels de la santé avec lesquels je travaillais savaient que ça n’existait pas, mais c’était souvent plus fort que tout, car ils vivent avec ces croyances depuis qu’ils sont enfants», ajoute Audrey qui précise que les gens sont fiers de leur culture qui est aussi importante pour eux que la famille, les amis et l’amour.

Choc culturel

Ce voyage en Afrique était le premier du genre pour la jeune femme qui dit avoir subi un véritable choc culturel à son arrivée là-bas. Même avec ses 180 000 habitants, Allada n’avait pas de véritable épicerie, la plus près étant située à Cotonou, ville située à une heure 30 au sud.

Elle a rapidement découvert la nourriture de rue qui est cuisinée chaque matin. «On appelle ça un restaurant sur place. On retrouve quatre poteaux avec un toit de paille et des bancs pour manger. La nourriture est fraîche chaque jour et ce n’est pas cher, car avec 1 $ canadien, tu pouvais acheter deux repas et même te promener en moto tout près.»

Dans le centre de traitement où les patients étaient pris en charge.

Audrey confirme que les conditions de vie n’étaient pas toujours faciles, malgré la taille de la ville où elle demeurait.

«Ça faisait un peu peur au début, car il n’y avait pas d’eau courante tous les jours. Et il en va de même pour l’électricité qui est coupée quand il pleut, pour que le système ne saute pas, car ça demeure assez rudimentaire», mentionne-t-elle.

Seule personne du village à avoir la peau blanche, elle était facilement reconnaissable des gens qui, souligne-t-elle, sont très sociables et amicaux. «Les gens parlent à tout le monde et quand tu marches dans la rue, il faut que tu dises bonjour à tout le monde. C’est la même chose dans le centre de traitement où j’étais», précise-t-elle en ajoutant que si le français est la langue officielle, les gens sur place parlent le fon, langue du sud du Bénin dont elle a appris les rudiments.