Des restaurateurs jugent les mesures trop onéreuses
ÉCONOMIE. Plusieurs restaurateurs de la région ont choisi d’attendre avant d’ouvrir leur salle à manger à la clientèle, malgré un certain feu vert donné par les autorités qui était effectif ce lundi 15 juin. Les mesures imposées sont trop restrictives et entrainent des coûts importants selon plusieurs.
Le Parasol à Saint-Malachie, Chez Charles à Saint-Philémon, l’Incognito à Sainte-Justine, L’Entre-Nous à Saint-Damien, le Martini à Lac-Etchemin, le Casse-croûte d’Amours à Saint-Raphaël et L’Amical à Saint-Lazare font partie de ceux qui ont choisi de ne pas ouvrir leur salle à manger pour l’instant. Certains ont même fait une croix sur l’été 2020, comme la Babine Gourmande à Saint-Michel.
Joannie Dion à Saint-Malachie en a contre le coût des précautions à prendre en général. Elle cite en exemple des plexiglass, des sachets sur les tables pour tous les condiments, et autres. La distanciation exigée est aussi un problème pour elle. «La règle du deux mètres fait que j’ai environ une quinzaine de places sur une possibilité de 50 généralement. Je devrais avoir quelqu’un à la porte pour poser une série de questions à nos clients et tenir compte des réponses pour déterminer qui peut s’asseoir où. Deux amis qui ne sont pas à la même adresse ne pourraient s’asseoir ensemble. J’ai déjà eu une amende sur la cigarette en raison d’un client que je ne pouvais voir du restaurant. Je n’ai pas les moyens d’ouvrir, encore moins de payer des amendes.»
Sa salle à manger est fermée depuis le 16 mars dernier. Pensant que la pandémie serait plus courte, elle a profité des quatre premières semaines du confinement pour nettoyer et restaurer son établissement. «On s’est remis à jour. On le fait chaque année. Ces choses-là étaient déjà prévues cette année, alors on a fait tout ça pendant la pause, sauf que nous n’avons pas encore pu ouvrir.»
Elle fonctionne actuellement avec les commandes pour emporter et ce, depuis le 22 avril dernier. «Si je compare mes 11 dernières journées d’opération, j’ai eu 2 347 clients l’an dernier, alors que cette année, c’est 861 personnes.» Habituellement, elle emploie près de 35 personnes à temps plein et à temps partiel. Aujourd’hui, ce sont seulement cinq personnes qui y travaillent. Elle avoue avoir eu à composer avec les effets pervers de la Prestation canadienne d’urgence (PCU), puisque certaines ont préféré rester à la maison un certain temps.
Martin Lessard du restaurant Martini de Lac-Etchemin se fait plus incisif et ne conservera lui aussi que les commandes à apporter. «Mes banquettes sont l’une sur l’autre et mes tables très près aussi. Ma rentabilité, c’est les samedis et dimanches. Là, j’aurais moins de clients et plus de dépenses. On tolère les manifestations à Montréal où il y a des cas et c’est deux mètres de distance dans nos restaurants ici, alors que nous n’avons pas de cas. Il y a beaucoup d’incohérence.»
Un pari risqué
Pour Martin Chabot du restaurant l’Incognito de Sainte-Justine, il n’était pas question d’ouvrir la salle à manger le 15 juin non plus. Après quelques jours de réflexion, il se prépare pour tenter sa chance dès le 2 juillet prochain. «Ça me donne 18 places sur les 52 que j’aurais habituellement. On a procédé à certains aménagements pour favoriser l’application des mesures en espérant que ça fonctionne et que d’autres assouplissements sois annoncés d’ici ce temps-là», ajoute-t-il, fonctionnant uniquement avec les commandes au comptoir pour le moment.
Il espère que les choses iront bien, surtout que l’été est généralement une période rentable pour son commerce. «C’est l’été que nous faisons des profits. L’hiver c’est plus difficile en raison des coûts fixes plus élevés avec le chauffage, le déneigement, etc. On garde quand même le même effectif l’hiver», précise-t-il en ajoutant qu’il avoir lui aussi déjà perdu quelques employés en raison de la pause qui se prolonge et de la PCU.»
Une proximité nécessaire
À Saint-Damien, Brigitte Roy de l’Entre-Nous en a elle aussi contre les mesures. «Le plaisir d’aller manger au restaurant demande une proximité des gens entre-eux. Les restrictions sont trop importantes. Ça ne fait pas de sens», indique celle dont l’établissement pourrait atteindre une quarantaine de places sur près d’une centaine habituellement, si elle choisissait d’opérer dans le contexte actuel.
Cette dernière a plutôt choisi de ne pas opérer du tout depuis le début de la pandémie, pas même sous le concept des commandes pour apporter. «Je veux attendre de voir ce que ça donnera ailleurs avant de prendre position. Je connais des gens dans le milieu et même avec les commandes pour apporter, c’est à peine rentable, alors prendre un risque d’ouvrir avec les mesures imposées, c’est prendre un risque difficile à mesurer.»
Entretemps, elle parle régulièrement à ses employés et si la majorité semble intéressée à reprendre le collier, le port éventuel d’une visière ou d’un masque cause certains malaises. «Personne n’est emballé, avec l’été, les chaleurs dans les cuisines, la proximité nécessaire, etc. Je ne suis pas téméraire non plus. Je ne risquerai pas d’avoir une amende et des problèmes avec la CNESST. Je n’ouvrirai pas avec des masques et de la distanciation sociale, c’est certain.»
Si à Saint-Michel, les propriétaires du casse-croûte La Babine Gourmande avaient déjà tiré un trait sur l’été 2020 le 1er juin dernier, à Saint-Raphaël, l’arrivée de la pandémie a empêché une fusion en bonne et due forme du Casse-croûte d’Amours et du restaurant les Déjeuners D’Amours, explique Patrice Guillemette, qui a aussi pris une décision similaire. «On n’ouvre pas la salle à manger pour l’instant. Les mesures sont trop coûteuses et je n’aurais pu recevoir que neuf personnes à la fois. On a ajouté quelques tables de pique-nique à l’extérieur pour accommoder les gens.»
Même son de cloche au Restaurant Chez Charles de Saint-Philémon qui souligne cette année son 60e anniversaire de fondation. «Étant donné la superficie de notre restaurant, il nous est impossible de respecter la tonne de mesures que le gouvernement nous demande de mettre en place», indique le propriétaire, Marc Picard, sur la page de son commerce.
La propriétaire du restaurant L’Amical de Saint-Lazare, Micheline Guillemette, a aussi choisi aussi de ne maintenir que son service des commandes à apporter en raison des restrictions. «Les restrictions font en sorte que seulement trois tables serait disponibles dans la salle à manger. Nous avons mis des tables à l’extérieur pour que les gens puissent le faire sur place lors de belles températures.»