Denis Bédard défie le temps et partage sa passion
SOCIÉTÉ. Alors qu’une majorité de travailleurs attendent de prendre leur retraite à l’âge de 65 ans, d’autres défient le temps et poursuivent leur carrière. C’est le cas de Denis Bédard de Sainte-Justine qui, à 80 ans, est plus actif que jamais.
Boucher accompli et reconnu dans sa profession, M. Bédard a amorcé sa carrière le 16 septembre 1960, alors qu’il n’avait que 20 ans. Premier de sa promotion à l’Institut Fortier de Montréal, à l’époque, le Justinien s’était inscrit un peu « à reculons », décision qu’il est loin de regretter six décennies plus tard.
« Je travaillais dans chantiers comme bûcheron et après avoir eu un accident d’automobile, mon frère m’avait invité à le joindre dans l’usine de fabrication de moteurs où il travaillait à Montréal. J’y ai passé près d’un an, mais je me suis aperçu que je n’étais pas fait pour cela », mentionne-t-il en ajoutant qu’après être revenu à Sainte-Justine, sa copine de l’époque l’avait convaincu de revenir dans la métropole et suivre son cours de boucher.
« Nous étions 16 inscrits et le responsable du programme nous a dit que les deux étudiants qui auraient les meilleures notes après la formation, qui durait huit semaines, auraient un emploi assuré en sortant de l’école », se remémore M. Bédard qui terminé premier du programme avec une impressionnante note de 95,3 %.
Le cours finissait le jeudi et le lendemain, il commençait à travailler au Marché Richelieu de ville Saint-Laurent. « Le commerce embauchait quatre bouchers, ce qui était beaucoup à l’époque. On m’a bien accueilli et montré plein de choses. Le gérant m’avait dit, un moment donné, que j’allais servir au comptoir et que ça irait bien. »
Servir son idole
Comme la plupart des Québécois à l’époque, M. Audet aimait le hockey et le Canadien de Montréal. Il idolâtrait des joueurs comme Maurice et Henri Richard et Jean Béliveau, mais surtout Bernard Geoffrion. « Après deux mois à la boucherie, j’ai eu le plaisir de servir Bernard Geoffrion pour la première fois. Il venait chaque jour et quand le gérant m’a demandé de le servir, j’étais aux anges. Il savait que j’étais le petit nouveau et je l’ai croisé régulièrement par la suite », affirme-t-il.
Nouveau défi
Après un an chez son premier employeur, Denis Bédard se retrouve au « Marché Alberto », sur « recommandation » de son patron qui souhaitait qu’il puisse progresser dans la profession, ce qu’il était incapable de lui offrir. Il est resté là un an et demi avant de venir s’établir à Québec, lui qui désirait s’approcher de la nouvelle élue de son cœur, Pauline Arsenault, femme qu’il a épousée et qui est toujours à ses côtés aujourd’hui.
Après avoir travaillé un an et demi dans une importante boucherie du chemin Ste-Foy, il entre chez Steinberg pour une aventure qui duré un peu plus de six ans et qui l’a mené à différents endroits dans l’Est-du-Québec.
« Je suis entré chez Steinberg en 1966, l’année de mon mariage. Il y avait un nouveau magasin à Sainte-Foy et c’est là que tout a commencé. Trois mois plus tard, ils m’ont offert de travailler comme gérant de viandes à Baie-Comeau. Avec la bénédiction de Pauline, j’ai passé trois premiers mois là-bas avant mon mariage. Pendant 90 jours, j’ai lui écrit 89 lettres elle a fait de même », souligne-t-il avec amusement.
Après trois ans à Baie-Comeau, il deviendra responsable du département des viandes d’un nouveau magasin à Rimouski. Il y passera une année avant d’être transféré à Sept-Îles où il aidera à redresser le département des viandes du magasin situé à cet endroit. Il quittera Steinberg en 1972 et reviendra à Québec afin de soutenir un ancien collègue qui avait ouvert une cafétéria qui n’était pas rentable et était, par conséquent, menacée de fermeture.
« Au départ, je n’étais pas certain de me lancer là-dedans, mais on a viré cela en cafétéria et restaurant, ce qui me permettait de poursuivre mon métier de boucher en même temps. Les ventes étaient de 2 500 $ par semaine quand je suis arrivé et oscillaient entre 7 000 $ et 8 000 $ par semaine à mon départ », précise-t-il.
Retour aux sources
M. Bédard et son épouse, qui travaille avec lui depuis 50 ans maintenant, prendront la route de Sainte-Justine en 1976 lorsque son beau-frère, Marcel Racine, lui offrait la possibilité de venir travailler dans sa boucherie de la rue Principale. Allait débuter une belle aventure qui se poursuit, 44 ans plus tard.
« Nous sommes arrivés ici le 26 mai 1976 et le lendemain, j’étais en poste. Marcel et moi, on a travaillé ensemble jusqu’en 1995, année où ma fille Annie a acheté la boucherie avec son conjoint de l’époque », mentionne M. Bédard qui rappelle qu’en plus de la boucherie, le commerce abritait un abattoir.
Au fil des ans, le bâtiment a été transformé en restaurant (Resto-Pub El Toro), mais la boucherie demeurait opérationnelle. Le commerce a fermé complètement en décembre 2010, mais a rouvert ses portes 18 mois plus tard, en 2012.
« Lors de la réouverture, Annie m’a demandé si je pouvais faire cinq autres années avec elle, pour l’aider à relancer le tout sur des bases solides et je suis toujours là, huit ans plus tard. Cela fait plus de 25 ans qu’on travaille ensemble et j’aime toujours cela », indique M. Bédard qui reconnaît qu’il n’est pas toujours facile de marier famille et travail du fait que les sujets de conversations tournent toujours autour du travail.
« C’est un métier que j’adore. Je ne pensais pas faire 60 ans dans le domaine, mais pour moi c’était important de me rendre là. Ma santé est bonne. J’arrive à 5 h chaque matin, je prends mon temps et je prépare les choses dont Annie a besoin. Je retourne déjeuner puis je reviens faire la saucisse avec mon petit-fils. J’ai toujours fait cela, partout où j’ai travaillé », précise-t-il en ajoutant qu’il n’entend pas s’arrêter, pour le moment.
1,3 millions de livres en 44 ans
Depuis son arrivée à la Boucherie Racine en 1976, puis avec sa fille Annie depuis 25 ans, la viande préparée par Denis Bédard est recherchée par les consommateurs de la région. Cela sans oublier la populaire « saucisse Racine », dont il perpétue la tradition 44 ans plus tard.
« Actuellement, on vend 400 livres de saucisses par semaine, même si on n’est ouverts que quatre jours par semaine. En 1995-1996, on tournait autour de 800 livres par semaine. La concurrence est plus présente aujourd’hui, mais il faut noter que la clientèle a changé et que les familles sont beaucoup moins nombreuses qu’avant », indique M. Bédard qui ajoute que depuis son arrivée en 1976, ce sont plus de 1,3 million de livres de saucisses qui ont été fabriquées sur place.