La hausse de la taxe carbone inquiète les producteurs agricoles
AGRICULTURE. L’Union des producteurs agricoles s’inquiète devant la hausse de la taxe du carbone annoncée par le gouvernement Trudeau en décembre, disant disposer de peu de solutions de rechange au pétrole pour mener ses activités.
Président de l’Union de producteurs agricoles, Marcel Groleau craint d’importants impacts sur les agriculteurs québécois, alors que ceux-ci versent déjà 40 M$ par année au Fond vert par le biais du coût des crédits carbone facturés sur le pétrole. «L’agriculture est responsable de 9 % des GES au Canada. Étant donné que nous avons peu d’options de substitution vers des énergies vertes, la taxation du carbone dans le secteur agricole aura pour principal effet d’augmenter nos coûts et celui des aliments ».
Annoncée le 11 décembre dernier par le gouvernement fédéral, celle-ci contient une hausse de la taxe sur le carbone jusqu’à atteindre 170 $ la tonne en 2030. Elle s’élève actuellement à 30 $. Québec a déjà son propre mode d’application de prix sur la pollution via son marché du carbone avec la Californie, mais celui doit être approuvé par le fédéral.
Agriculteur de carrière et aujourd’hui député fédéral de Beauce, Richard Lehoux fait partie du comité agroalimentaire canadien qui doit bientôt étudier tous les impacts de la taxe carbone sur l’alimentation. Il remarque qu’il y a peut-être davantage d’inquiétudes chez les producteurs des autres provinces canadiennes pour cette raison. Il est toutefois clair dans son esprit que les agriculteurs devront être appuyés davantage, notamment au Québec où les producteurs n’ont toujours pas accès à une puissance électrique suffisante pour se passer des énergies fossiles.
« C’est bien d’avoir des objectifs environnementaux, mais il faut aussi avoir des solutions de rechange. Pour l’instant nous n’avons pas de moyens alternatifs. Pour sécher du grain, il faut du propane. Très peu de producteurs utilisent autre chose pour faire cela, même l’électricité conventionnelle, nous n’avons pas de triphasé. Le gaz naturel peut servir, mais là où il est dans nos communautés, il ne rejoint pas les agriculteurs puisqu’on le retrouve surtout quand les cœurs de villages », observe-t-il.
Augmenter, mais contrôler
Que l’on demande aux agriculteurs canadiens de faire des efforts pour l’environnement est noble, mais cela entraine inévitablement des coûts. Si les producteurs d’ici doivent en assumer les frais, les produits augmenteront ce qui peut avoir un effet pervers, selon M. Lehoux.
« L’envers de la médaille est qu’il y a beaucoup de produits qui entrent chez-nous provenant de l’extérieur. Quel contrôle exerce-t-on sur ces produits ? Quelle technologie a été utilisée pour les produire ? Est-ce que l’on est préoccupé par cela ? Faudra peut-être accélérer la réciprocité des normes et s’assurer que l’on applique les mêmes règles. »
La ministre fédérale de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, Marie-Claude Bibeau, semble ferme dans ses intentions et dit avoir confiance que les provinces sauront prendre les devants et donner le congé approprié à leurs producteurs. Le gouvernement du Québec a récemment annoncé un programme qui pourrait devenir une partie de la solution. Celui-ci vise à subventionner l’extension du réseau triphasé, un réseau de distribution électrique comprenant trois phases et circulant sur trois fils électriques différents, ce qui permettrait de fournir la puissance nécessaire au bon fonctionnement d’appareils énergivores.
La ministre Bibeau a aussi assuré que plusieurs programmes visant à aider les agriculteurs à rendre leurs pratiques plus durables sont en cours de création au sein de son ministère, notamment grâce à une enveloppe de 350 M$ reçue tout récemment.