Éric Duhaime confiant de faire une percée
POLITIQUE. Récemment élu chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime était de passage à Saint-Henri il y a quelques jours, en promenade sur la rive-sud de Québec, lui qui demeure dans la région de la Vieille Capitale depuis quelques années.
Lorsqu’il regarde l’échiquier politique actuel, il croit être en mesure de faire des gains dans la région, même si son parti n’a récolté que 1,5 % des votes à la dernière élection provinciale.
« Si nous sommes pour faire une percée, ça va commencer dans Chaudière-Appalaches et à Québec. Chaudière-Appalaches est le Québec tranquille, dont on ne parle pas souvent, mais qui est un moteur pour la province. La région paye autant d’impôts que les autres et il y a peu de présence gouvernementale. Il serait temps qu’on vous écoute davantage. »
Il rappelle que la région a été au cœur de l’arrivée de l’Action Démocratique du Québec (ADQ), il y a quelques années, puis de la Coalition Avenir Québec (CAQ) plus récemment à l’Assemblée Nationale. « C’est ici où la CAQ était possiblement la plus forte il y a quelques années, et Chaudière-Appalaches est possiblement l’une des régions qu’on a écoutées le moins et qu’on a oubliées le plus. C’est très paradoxal et c’est difficile à comprendre. Quand on prend quelqu’un pour acquis, ça ne veut pas dire que c’est celui que tu traites le mieux. »
Il souhaite ainsi amener sa propre couleur même si, globalement, ses idées ressemblent à celles qui étaient déjà véhiculées par le parti. « C’est certain que j’ai toujours été un partisan du conservatisme économique. Je n’aime pas les déficits, je n’aime pas les taxes. Je n’aime pas le gouvernement qui ne se mêle pas de ses affaires. Je l’ai toutefois dit pendant la course au leadership. Je veux prendre un virage nationaliste. Je suis un Québécois, je suis francophone, je suis fier de mes origines et je veux que cela se reflète dans nos politiques. »
Il insiste toutefois pour préciser qu’à son avis, le nationalisme québécois n’appartient pas qu’aux souverainistes et au Parti Québécois. « On se doit d’être fier de notre identité et de nos ancêtres. Le débat souverainiste est mort de toute façon. Nous avons toujours été en minorité et c’est ce que je veux défendre. Cette pédagogie-là devra être faite, comme dire que le drapeau du Québec appartient à tout le monde, au-delà de la question partisane. Il faudra que les symboles qui nous ont divisés deviennent ceux qui nous rassemblent. »
Près de l’actualité
Sur les projets de transport actuellement sur la table en Chaudière-Appalaches et à Québec, M. Duhaime avoue avoir du mal à suivre le raisonnement du gouvernement du Québec à certains niveaux. « Relativement au tramway, ce que je comprends, c’est que vous allez le payer et pas vraiment en profiter parce qu’il n’y aura pas vrai d’interconnexion. On entend parler d’un tunnel Québec-Lévis, mais la CAQ n’a pas été élu pour un tramway, elle a été élue pour un 3e lien à l’est. Quand je dis à l’est, c’est quelque chose qui ne passait pas loin de l’Ile d’ Orléans. J’ai voté pour la CAQ pour ça. »
Le tramway avance à pas de géant et le 3e lien est délaissé, observe-t-il. Son déménagement de centre-ville à centre-ville n’a pas non plus reçu l’assentiment de la population. « Ce sont les deux plus importants projets de développement économique de la grande région et les gens n’ont pas eu leur mot à dire. On nous les rentre dans la gorge et ça indispose ceux et celles qui ont voté. On disait au départ que ça prenait un périphérique. On s’éloigne visiblement de ça. »
Si la crise sanitaire devait s’estomper, Éric Duhaime estime que les réformes qui pourront être entreprises seront limitées. La santé et les finances publiques seront inévitablement les deux enjeux fondamentaux de la prochaine campagne électorale. « Il faudra donc être très cohérent dans ce que l’on propose. Il y a certaines positions sur lesquelles je ne suis pas d’accord. Il faudra être réaliste. Il y a ce qui est souhaitable, réalisable et vendable. Il faudra être plus pragmatique et être ouvert davantage et choisir nos combats, surtout pour un premier mandat. »
Quant à la gestion de la pandémie par le gouvernement, il déplore le ton menaçant adopté par le gouvernement et l’irrégularité de certaines mesures adoptées pour contrôler la pandémie.
« Regardons les chiffres. À l’heure actuelle il y a 35 % des gens qui ont reçu une première dose de vaccin. Aux États-Unis, ils ont commencé à rouvrir l’économie à 20 %. Nous avons près du double, et on nous dit que ça va prendre 75 %. On nous menace tout le temps et on ne nous donne jamais d’espoir sur un retour à la normale. Il y a des gens que ça ne dérange pas chez une petite élite et ils sont influents. »
Et l’élection, elle…
Éric Duhaime se prépare maintenant pour le prochain congrès de son parti qui aura lieu à l’automne. Le décompte en vue de la prochaine élection est débuté, car celle-ci aura lieu dans 17 mois. « J’avais commencé, pendant la campagne à la chefferie, à mettre des équipes en place pour réfléchir sur différents aspects, l’éducation, la santé, l’économie, la justice et la sécurité publique, la famille. On va proposer des choses concrètes dans quelques mois, pour les présenter au congrès. »
Éric Duhaime avoue que certains éléments que proposait l’ADQ il y a quelques années en feront partie, notamment parce qu’il faisait partie des rouages du parti à son apogée. « Je veux globalement que l’on revienne à certaines choses que proposait à l’époque, soit redonner de l’argent aux parents et leur laisser une liberté de choix sur leur garderie, additionner une certaine partie au privé en santé et décentraliser davantage, comme l’ont réclamé plus de 700 médecins. On proposera sûrement une réduction de la taille de l’État et un retour à l’équilibre budgétaire plus ferme. »
Selon lui, il y aura une nouvelle dimension à la prochaine campagne électorale, car la crise sanitaire a été l’élément le plus perturbant des dernières années pour plusieurs. « Ça va changer l’échiquier politique. On a l’impression un peu d’avoir été trahis. On va se battre pour retrouver nos libertés démocratiques, contrairement à ce qui se passe à l’heure actuelle, avec la complicité des autres partis. »
Bien s’entourer
Il sait aussi fort bien que son aventure avec le Parti conservateur du Québec ne doit pas être l’affaire d’un seul homme, qu’il aura besoin de gros noms et de personnes compétentes pour convaincre les électeurs. « Je le sens déjà qu’il y a de l’intérêt. J’ai appelé plein de monde qui m’ont dit que s’y j’y allais ils venaient aussi. La pandémie a tellement affecté la vie de certaines personnes que plusieurs sont prêtes à se lancer, même s’ils ne s’étaient jamais intéressés à la politique avant. Le vrai travail commence maintenant pour monter une équipe représentative et diversifiée. »
En supposant qu’il devienne premier ministre du Québec à la prochaine élection, Éric Duhaime assure qu’il devra faire preuve de doigté et devra être ferme dans ses intentions. « J’ai moi-même cette peur-là, de ne pas être capable de changer les choses et la machine le moment venu, parce que j’en ai vu du monde se faire bouffer par la machine à l’époque où j’étais attaché politique. Les fonctionnaires qui sont là sont toujours les mêmes et on a l’impression que ce sont eux les vrais décideurs. La différence est que moi, tout le monde sait où je loge. J’aurai la légitimité démocratique de le faire. Il y a trois ou quatre choses que je vais m’engager à changer et les candidates et candidats qui vont se présenter avec moi sauront lesquelles avant l’élection. »