Espoir et inquiétudes chez les propriétaires de bars de la région

SOCIÉTÉ. Les propriétaires de bars de la région sont inactifs depuis deux mois et demi et n’ont toujours aucun indice sur une réouverture prochaine de leurs commerces. Certains signaux leur donnent de l’espoir, d’autres non.

Propriétaire du Manoir à Saint-Henri, Johannie Lachance a l’impression que son tour viendra bientôt. «Depuis quelques jours, c’est la course. Molson, Labatt, Loto-Québec, tout le monde court après moi. J’ai l’impression que ça s’en vient plus vite que l’on pense.»

Propriétaire de son établissement depuis 1981, Jean-Claude Trahan du bar Chez Ti-Blanc à Buckland a de son côté effectué quelques menus travaux au cours des dernières semaines pour s’occuper. Il avoue être dans une situation différente de bien d’autres tenanciers, sauf qu’il doit supporter un certain inventaire et qu’une fermeture qui se prolongerait trop longtemps lui ferait perdre beaucoup. «Cette bière-là, nous devons la supporter, car elle est payée. Pendant ce temps-là, elle vieillit aussi.»

Lili Gagnon a bien hâte de revoir ses clients à Sainte-Claire.

À Sainte-Claire, Lili Gagnon est propriétaire du bar L’Étoile Filante depuis près de huit ans. Elle avait un commerce plus que rentable avant sa fermeture forcée. Elle a procédé à un nettoyage complet de son commerce au cours des dernières semaines et apporté quelques améliorations. Elle voit mal ce qu’elle pourrait faire de plus pour le moment, puisqu’elle n’a reçu aucune indication.

Marcel Audet de Saint-Charles s’est porté acquéreur du Bon-Gîte à Sainte-Justine il y a près de deux ans, sauf qu’il y a mis plus d’un an à le rénover. Il était en opération depuis le 7 septembre dernier. «Moi, c’est surtout des réceptions que je souhaite faire. La distanciation, on n’oublie ça. Ce sont des rencontres de groupe, des mariages, des funérailles, etc. Je devais commencer le 27 mars et j’avais un beau calendrier. J’ai travaillé ça tout l’hiver et le 13 mars, ils nous ferment tout ça. C’est assez spécial.»

Pour lui aussi, devoir supporter un inventaire lui fait perdre temps et argent. «J’ai près de 60 caisses de bières en dormance, alors ce sera encore une perte à ce niveau. Si au moins on pouvait ouvrir avec un certain pourcentage, on pourrait s’en sortir, puisque j’ai un permis de 258 places. Pour l’instant, on n’a pas le droit et surtout, pas de nouvelles non plus.»

Joannie Lachance du bar le Manoir à Saint-Henri

Des coûts fixes importants

Propriétaire depuis 10 ans, Johannie Lachance emploie tout de même une dizaine de personnes, ayant quelques unités de motel également à gérer. Si une ouverture possible pour bientôt la réjouit, elle conserve certaines inquiétudes, notamment sur le coût élevé des permis. «Il fallait avoir payé nos permis pour avril, et on nous a ordonné de fermer à la mi-mars. Nous n’avons pas eu de rabais encore là-dessus. Et si en plus, il faut avoir des limites sur la fréquentation, ce sera difficile, car moi, les loteries vidéo et les tables de billard m’enlèvent énormément de place sur mon permis.»

Jean-Claude Trahan déplore lui aussi les pertes de revenus qu’il a dû encaisser, mais lui non plus n’a aucune idée si une modulation sur ses permis sera possible, alors qu’il est fermé depuis plusieurs semaines. «Pour moi, c’est 3 500 $ de permis. 610 $ pour la terrasse uniquement. Je ne suis pas ouvert et mes permis sont déjà payés.»

Il a aussi confié la gérance de son bar du même nom de Saint-Léon à son fils Jimmy depuis un an et demi maintenant. Lui aussi a accepté la situation lorsque la pandémie a été annoncée, mais il estime qu’il est temps de tourner la page, surtout que peu de cas ont été observés dans la région.

Alain Gaudreau est propriétaire du bar et du salon de quille Le Sommet à Armagh

À Armagh, Alain Gaudreau est propriétaire du bar Le Sommet, mais aussi de la salle de quilles du même nom. Il venait d’ailleurs d’investir une bonne somme dans son établissement il y a quelques mois à peine. Lui aussi indique que la situation actuelle fait mal. «Pour tous mes permis, ça représente plus de 3 000 $, J’ai raté la fin de la saison de mes ligues de quilles qui est le meilleur moment dans l’année. On paye des permis pour exploiter une entreprise et on ne peut pas le faire.»

M. Gaudreau avait même un acheteur potentiel intéressé à prendre sa relève avant la pandémie, une transaction qui pourrait achopper si la situation perdurait trop longtemps. Ce qui le déçoit plus que tout, c’est qu’il remarque lui aussi le peu de cas dans la région et souhaiterait que certaines décisions soient modulées en conséquence. «On ressent que nous sommes punis à cause de Montréal. Ça va bien aller, ça ne marche plus. Qu’on nous donne la permission d’opérer, ça presse.»

Dans la même foulée, Lili Gagnon trépigne d’impatience de revoir ses clients et ses serveuses. «C’est peut-être un peu exagéré, car on n’a pas de cas chez nous. Ma clientèle vient des villages aux alentours, pas de la ville. Si nous avions des cas, ce serait moins décevant.»

Des personnes que le journal a interrogées, Mme Gagnon est la seule qui n’a pas garanti sa réouverture lorsque le feu vert viendra. L’irritant qu’elle anticipe est celui de devoir composer avec des exigences extrêmes. «Il ne faudrait pas devoir commencer à faire de la discipline sur la proximité des gens. Je ne demanderais pas à mes filles de porter une visière ou un masque, elles ne le garderaient pas de toute façon. Si les mesures sont exagérées, je n’ouvrirai pas tout simplement. Je ne veux pas commencer à m’obstiner avec les clients.»