Le Covid et vos finances: trois experts se prononcent
ARGENT. L’arrivée de la pandémie entourant le Covid-19 a littéralement changé le quotidien de tout le monde et laissé plusieurs incertitudes en suspens. Peu de personnes ont conservé leur emploi tel qu’il était avant la crise et les entreprises sont aussi peu nombreuses à avoir gardé le même rythme.
Résident de Saint-Anselme, Ian Sénéchal du portail votreconseiller.net fait remarquer que l’aide fédérale est arrivée rapidement, ce qui aura évité de graves problèmes de liquidités à plusieurs ménages canadiens. Il y aura toutefois des effets pervers, notamment chez celles et ceux qui considèrent l’aide gouvernementale avantageuse. «Certaines personnes refusent de rentrer travailler pour conserver leur prestation. C’est un jeu très risqué. Les gens mettent leur emploi en péril et ne semblent pas réaliser que le taux de chômage sera élevé encore pour plusieurs mois. Les prestations ne sont prévues que pour quatre mois et quand elles finiront, il y aura peu d’emplois disponibles. Présentement, la préservation de son emploi devrait être plus importante pour les ménages que la préservation du chèque de la PCU.»
Sur ce sujet, Éric Lachance, comptable professionnel agréé chez Lemieux Nolet à Lac-Etchemin, ne croit pas que les gens aient exagéré dans leurs dépenses en général depuis le début de la pandémie, particulièrement chez celles et ceux qui reçoivent la Prestation canadienne d’urgence (PCU). «La journée où la PCU se termine et que ces gens-là ne sont pas retournés en emploi, là il y aura un problème. J’ai dit à mes clients de se garder entre 25 et 30 % de côté, pour absorber les coûts éventuels, impôts et autres. Si les gens l’ont bien géré, ça ira.»
Sur la diminution des valeurs à la bourse, Stéphane Goulet, courtier chez IG Gestion de patrimoine et originaire de Saint-Gervais, prône le statu quo étant convaincu que les marchés se stabiliseront à moyen ou long terme. «Personne n’aime recevoir un relevé trimestriel de ses placements négatifs. Malheureusement, ce fut le cas avec le relevé du 31 mars 2020. Plusieurs se demandent s’ils doivent vendre et se retirer du marché, pour que ça arrête de baisser. Il faut faire confiance aux marchés boursiers et le temps que nous avons devant nous, pour rattraper cette baisse de valeur. Pour ceux qui ont des placements à court terme, c’est autre chose par contre.»
Une confiance fragile
Ian Sénéchal remarque que les gens sont en mode défensif, particulièrement celles et ceux qui ont des placements. «Ma clientèle est constituée de gens qui épargnent beaucoup plus que la moyenne. Environ 50 familles ou 15 % de ma clientèle ont toutefois mis fin à leurs prélèvements automatiques pour ces investissements, dès le début de la crise, pour protéger leurs liquidités.»
Là où il s’inquiète, c’est que plusieurs sont rentrés dans cette crise avec très peu de liquidités. «Certes, certains programmes gouvernementaux vont aider au début, mais le taux de chômage va rester élevé. La confiance du consommateur va rester anémique et les gens vont couper dans leurs dépenses discrétionnaires.»
Éric Lachance remarque qu’après deux mois, des petites entreprises réussissent à conserver certains acquis. «Les petites entreprises qui n’ont pas une grosse structure ont moins de difficultés, car leurs frais mensuels ne sont pas trop élevés. Plusieurs ont d’ailleurs déjà eu droit au prêt sans intérêt du gouvernement fédéral. Pour celles et ceux qui ont une demi-douzaine d’employés, ça a fait le travail. Celles qui n’ont pas eu le choix de fermer complètement ont mis leurs employés au chômage.»
Il ne voit pas de problème à court terme pour certaines petites et moyennes entreprises pour ces raisons. «Il ne faudrait pas que cela dure trop longtemps, mais certaines qui sont toujours actives, dont certains restaurants, ont coupé leurs coûts au minimum et ne sont en opération que trois ou quatre jours par semaine. Elles ne font pas de profits, mais réussissent à faire leurs frais.»
Pas le même constat pour tous
Chez les individus, Éric Lachance croit aussi qu’une certaine catégorie de personnes s’en sortira bien si la crise ne se prolonge pas trop longtemps. «Certaines personnes ne sont pas riches, mais ont un train de vie modeste. Pour les propriétaires de résidences d’environ 120 000 $ par exemple, les versements sont disons de 400 $ par mois. Même si les revenus tombent de 7 000 $ ou 10 000 $, quelqu’un peut arriver à faire ses versements quand même un certain temps. Pour une hypothèque de 350 000 $, ce n’est plus le même scénario.»
Cela vaut aussi pour certaines entreprises familiales. «Il n’y a pas de grosses dépenses et peu de dettes. À l’inverse, celles et ceux qui ont de grosses structures lourdes à supporter, avec un gros chiffres d’affaires, tomberont de plus haut, car plusieurs contrats ne seront plus au rendez-vous pour combler les coûts et les paiements. On vient d’avoir quelques exemples de cela avec Aldo et Prévost Car.»
Ian Sénéchal ajoute que les conséquences de ce que l’on vit sont connues et ne causent aucune surprise jusqu’à maintenant. «Il est plus prudent de penser que l’on va retrouver notre niveau d’activités économiques d’avant la crise seulement dans 18 à 24 mois. C’est pourquoi les gens doivent tout faire pour garder leur travail, gérer leur budget de manière serrée et ne pas s’endetter inutilement.»
Stéphane Goulet convient, tous comme ses collègues, que les priorités des gens changeront inévitablement, tout comme leurs habitudes de consommation. «Plusieurs compagnies et plusieurs domaines seront impactés par la pandémie. Reste à voir, à quel point. Une chose sûre, nous devrons apprendre à vivre différemment, consommer différemment et ajuster nos habitudes sociales d’auparavant.»