L’industrie du transport compose avec les contrecoups liés à l’économie
INFLATION. Les transporteurs de la région sont eux aussi durement touchés par le contexte actuel. Même si, de façon générale, les variations de l’économie sont refilées aux clients, le manque de main-d’œuvre et la difficulté d’obtenir certaines marchandises compliquent leurs opérations.
Pour Steve Fortier de Gee-Tee Express de Saint-Anselme, heureusement que ses ententes lui permettent de moduler ses tarifs en fonction des prix du carburant, sinon les choses deviendraient insoutenables. « On s’en sort pour cette raison, parce que l’entente n’inclut pas les dépenses additionnelles comme les pneus, qui ont augmenté énormément, le coût de la main-d’œuvre, la difficulté d’avoir certaines pièces pour la réparation des véhicules et la hausse des tarifs de certains fournisseurs. Il faudra éventuellement ajouter la hausse de tout le reste lors de nos renégociations avec nos clients. »
Son entreprise, qui compte sur 25 chauffeurs, loge d’ailleurs dans un tout nouveau bâtiment depuis novembre dernier. Il a réussi à éviter la hausse fulgurante du prix des matériaux. Des compromis ont toutefois été faits. « Nous avons réussi à geler des prix avant la construction du bâtiment. Au départ, ça devait être une structure de bois, sauf que celui-ci était hors de prix à ce moment-là, d’où la raison pour laquelle on s’est réorienté vers l’acier. »
Mylène Gagné de Bernard Transport, à Lac-Etchemin, s’estime en bonne position par rapport au reste de l’industrie. Le client principal de l’entreprise est l’usine d’Agropur à Beauceville, qui nécessite près de 80 transports par semaine, et c’est lui qui assume la surcharge de carburant. « Comme nous avons un seul client, c’est plus simple. L’accès à des pièces de remplacement est difficile, mais heureusement nous avons quelques camions en surplus. »
Elle avoue toutefois qu’un manque de personnel pourrait survenir à tout moment. « Nous avons plusieurs chauffeurs en fin de carrière et plusieurs vont éventuellement quitter pour la retraite. Nous avons quelques chauffeurs de nouvelle génération, mais ce n’est pas simple. On réussit à recruter parce que nous demeurons au Québec. »
Le double…
« Ce qui ne coûtait pas cher avant coûte très cher maintenant. Les prix ont doublé dans bien des cas. Les taux de surcharge avant variaient de 20 à 40 % et aujourd’hui, c’est plutôt de 80 à 95 % », explique François Gagné, consultant en transport chez CMW de Sainte-Marie.
« Chaque semaine, les taux augmentent. De janvier à juin, les taux de carburant ont doublé ni plus ni moins. On fait un prix une semaine et il n’est plus bon la semaine d’ensuite. On sent qu’il y a un début de récession puisque des clients ne nous attribuent pas de transport, car leurs entrepôts sont pleins. Le stock ne sort pas, car les gens ont commencé à se serrer la ceinture », ajoute celui qui agit aussi à titre de courtier.
L’entreprise est devenue un joueur important dans la région, ayant acquis FRL Express de Saint-Joseph au cours de la dernière année, ce qui lui donne maintenant accès au marché américain. Elle compte dorénavant 70 chauffeurs et 167 remorques. « Il est certain que le manque de personnel affecte tout le monde. Nous avons maintenant des choix à faire sur les voyages. On doit laisser aller certains clients et on gâte les nouveaux. On dirait que tout le monde a peur de manquer quelque chose. Dans certains cas, c’est comme une vente aux enchères. La chaine logistique est complètement brisée. Certains transporteurs exigent des prix en deçà du marché et pourraient éventuellement avoir des difficultés. »
La hausse des coûts de l’épicerie et des marchandises en général n’est pas terminée, prévient Steve Fortier de Gee-Tee Express. « Les taux ont commencé à grimper et ce n’est qu’un début. Nous allons revoir nos taux de base avec nos partenaires, c’est clair, et ça aura inévitablement un impact sur le prix des marchandises à terme. »
Reno Asselin de RA Express de Saint-Camille peut compter sur une flotte de 26 camions et de 30 à 35 employés, selon le moment de l’année. Il transporte à la fois en Ontario, mais aussi aux États-Unis. « On va à New York, Buffalo, en Georgie et ailleurs. On fait quelques voyages autour, mais très peu. Le prix du carburant ici, c’est quelque chose. Nous aussi avons une surcharge à nos clients dans le contexte. »
Ayant récemment fait l’acquisition d’un nouveau camion, il est à même de constater que les augmentations de coûts sont généralisées, puisqu’il a dû débourser 25 000 $ de plus que son plus récent achat. « On n’a pas le choix. Il faut prévoir d’avance, car c’est un an de livraison au minimum. Il faut renouveler notre flotte. C’est ça ou bien l’usure du véhicule fait qu’il se retrouve au garage plus souvent », résume-t-il.