Les cours de francisation reprendront chez Rotobec
SAINTE-JUSTINE. Après le resserrement des règles fédérales en matière d’embauche des travailleurs étrangers temporaires, les différents centres de services scolaires ont annoncé, un peu partout au Québec, la fin des cours de francisation pour adultes.
La hausse vertigineuse des demandes et la non-indexation des sommes prévues à cet effet par le ministère de l’Éducation ont eu pour effet de provoquer la fin des classes le 12 novembre dernier, notamment en Bellechasse-Etchemins.
« Ce sont deux lignes de parti qui ne sont pas enlignées sur nos intérêts en tant qu’entreprise », indiquent Julien Veilleux et Cathy Fortier de Rotobec en ajoutant que ces décisions visaient plus à enrayer des problèmes vécus dans les grandes villes, notamment en matière de crise de logement, moins en régions.
« Tout s’est bousculé à l’intérieur d’une semaine. Les enseignants ont appris le lundi qu’ils allaient donner leur dernière semaine de cours et que les gens devaient ensuite se débrouiller par eux-mêmes. Quand on a vu les modifications aux ratios apportées par le fédéral, on a dit à nos employés qu’ils devaient accélérer leur formation pour aller chercher le français requis pour l’obtention de leur certificat de sélection du Québec (CSQ), ce qui leur aurait permis de sortir du calcul du ratio, mais le provincial a mis un terme aux cours de francisation », rappelle Cathy Roberge qui, de concert avec la haute direction de Rotobec, a rapidement entamé les démarches afin de rapatrier ces cours de francisation dans les locaux de l’entreprise, comme c’était le cas auparavant.
« Par le passé, on faisait affaire avec le service aux entreprises du centre de services scolaire. Rotobec assumait tous les frais, que ce soit l’embauche de l’enseignant, les livres et autres. Les cours étaient offerts ici et après, le Centre de services scolaire est arrivé en nous disant qu’on n’avait plus le droit d’offrir ce service, qu’elle se devait de l’offrir gratuitement », précise-t-elle en mentionnant, tout comme M. Veilleux, qu’ils n’étaient pas d’accord avec cette nouvelle façon de faire.
« On préférait gérer nos affaires pour assurer un certain contrôle sur le processus et en ce sens, on s’assurait que nos employés soient en classe. Avec l’éducation aux adultes, on n’avait plus ce contrôle. Certains y sont allés, d’autres non, mais ils ont appris d’une autre façon », précise-t-elle en ajoutant que des démarches étaient en cours pour renforcer certains groupes.
« Les niveaux 1-2-3 étaient arrêtés, car on n’avait pas assez d’inscriptions. Les conjointes étaient majoritairement inscrites à temps plein à Saint-Cyprien avant d’être transférées à Saint-Georges, ce qu’on ne voulait pas non plus, car plus on les éloigne de Saint-Justine, plus ils se créent des réseaux ailleurs et quittent notre région. On n’a pas eu le temps d’augmenter l’offre ici qu’ils ont coupé tout cela », poursuit Mme Roberge qui dit avoir repris rapidement contact avec le service aux entreprises du CSSBE et le comité Performe en leur disant que l’entreprise souhaitait recommencer à donner de la formation à l’interne, ce qui a été accepté. En tout, une quarantaine de personnes devraient reprendre, sous peu, leurs cours de francisation.
« Si on nous avait dit que les subventions allaient être coupées dans un délai de six mois et que Rotobec devait ensuite prendre cela à sa charge, on l’aurait fait, comme c’était le cas avant. Tu ne peux pas, du jour au lendemain, dire à ces travailleurs » c’est fini, débrouillez-vous », ce n’est pas humain », de clamer Julien Veilleux en ajoutant que toutes ces décisions entraîneront à coup sûr des drames humains au sein de son entreprise et de son personnel, mais aussi bien des difficultés pour d’autres entreprises de la région où travaillent d’autres travailleurs étrangers ou même les conjointes de ceux-ci. «
Des témoignages
Trois des employés qui risquent d’être touchés par ces mesures abondent dans le même sens que leurs dirigeants. Jairo Jimenes a atteint son niveau 6 en français avant l’annonce de la fin des cours de francisation. Pour leur part, Gustavo Humana et Andres Garzon avaient atteint le niveau 5. Ce faisant, ils étaient sur le point d’atteindre le niveau requis (7) pour obtenir leur certification de sélection du Québec, menant éventuellement à la résidence permanente et, en bout de ligne, la citoyenneté canadienne.
» Le gouvernement demande que l’on obtienne notre CSQ et pour cela, il faut avoir un bon niveau de français. S’ils coupent la francisation, comment voulez-vous qu’on réussisse. Les gens ont pourtant la motivation de réussir », indique Jairo.
« Ils nous enlèvent de la motivation et nous donnent beaucoup de stress également », de dire Gustavo qui dit vivre beaucoup d’incertitude avec son épouse, eux qui ont acheté une maison et accueilli un nouvel enfant il y a deux mois à peine.
« Notre fils aîné aime vivre ici et c’est la même chose pour mon épouse. Je dois faire ma demande de renouvellement de permis de travail au cours de la prochaine année et c’est stressant. Est-ce que je devrai revendre ma maison ? », poursuit-il.
« Ma conjointe est économiste et elle doit bien parler français si elle souhaite se trouver un emploi dans son domaine ici. Elle a terminé le 6 et il lui manquait le niveau 7 pour passer au CSQ », précise Andres.
Pas d’exceptions possibles
Cathy Roberge souligne que la plupart des travailleurs étrangers temporaires suivant toujours des cours de francisation, avant la fin de ceux-ci le 12 novembre, avaient un niveau de français allant de 3 à 7. « Ceux qui étaient sur le point de passer le niveau 7 devaient passer leur évaluation cette semaine, mais ils n’ont pu le faire, la directive de l’arrêt des cours de francisation étant immédiate au 12 novembre », indique Cathy Roberge qui ajoute qu’elle avait décidé de ramener les cours de francisation en entreprise, car elle avait l’intérêt de ses travailleurs étrangers à cœur.
« Je les ai tous rencontrés un par un pour leur dire de venir travailler ici, qu’on pourrait leur offrir la sécurité. Le plus grand danger maintenant, c’est le gouvernement », poursuit-elle en mentionnant que le gouvernement fédéral aurait dû faire une analyse complète de la situation avant de prendre des décisions précipitées.
Julien Veilleux le rappelle, l’apprentissage du français est primordial pour chacun des nouveaux employés qui arrivent au sein de l’entreprise. « Je dîne avec eux régulièrement et je leur répète l’importance du français. Cela veut dire un meilleur emploi pour eux et leurs conjointes. Deux de nos 12 contremaîtres sont des travailleurs étrangers. Jairo est même chef d’équipe. Tu ne peux pas monter dans la hiérarchie sans maîtriser le français », affirme-t-il, ce que confirme Jairo en rappelant toutefois que l’apprentissage du français prend du temps.
Les conjointes seraient en attente d’une place sur une nouvelle plateforme d’apprentissage en ligne, ce qui leur permettrait de poursuivre leur formation, précise Cathy Roberge en mentionnant toutefois que l’accès à celle-ci était contingenté, mais qu’elle n’était pas encore prête.