Le prêt d’objets et d’outils, une solution pour «déconsommer»

MONTRÉAL — Que ce soit pour épargner quelques dollars, réduire son empreinte écologique ou tout simplement pour ne pas s’encombrer, plusieurs personnes préfèrent louer des outils et d’autres objets qu’ils utilisent à l’occasion plutôt que de les acheter. De plus en plus, il est possible d’emprunter ces objets auprès d’organisations d’économie de partage, qui souhaitent en maximiser l’utilité tout en les rendant accessibles à tous les portefeuilles.

Le prêt d’objets communs connaît à ce point une popularité croissante que la coopérative de solidarité La Remise, qui exploite depuis 2015 une bibliothèque d’outils ainsi qu’un espace de travail collectif dans l’arrondissement Villeray, à Montréal, a ouvert l’automne dernier un point de service dans le Plateau-Mont-Royal et prévoit l’ajout d’un troisième dans Rosemont d’ici la fin de l’année.

«C’est un projet qui est né du constat qu’on a tous des objets qui dorment chez nous et dont on ne fait pas usage au quotidien, relate Anaïs Le Hen, coordonnatrice de La Remise Villeray. Ça ne faisait aucun sens qu’on ait tous une perceuse, par exemple.»

«L’ouverture de nos nouveaux points de service montre l’engouement pour notre modèle d’économie circulaire, renchérit Maryse Lebeau, coordonnatrice de La Remise Plateau. Pourquoi acheter quelque chose qu’on a besoin d’utiliser une ou deux fois par année? L’emprunter est moins encombrant, moins coûteux et contribue à freiner la surconsommation.»

En tout, quelque 5000 membres de la coopérative ont accès à plus de 2000 articles pouvant répondre à de nombreux besoins occasionnels ou du quotidien. Le coût de location d’un objet débute à 4 $ pour une semaine, mais pour ceux qui ont des besoins plus soutenus, il est possible d’obtenir un abonnement mensuel ou une carte prépayée.

Aux outils s’ajoutent les précieux conseils des bénévoles, qui sont généralement aussi utilisateurs du service. «Les gens arrivent avec leurs matériaux, leur matière première et ils viennent créer sur place en bénéficiant des conseils de nos bénévoles», explique Mme Le Hen.

«C’est vraiment un lieu pour réapprendre à faire par soi-même, à utiliser ses mains, et ce, au-delà des objets qu’on met à la disposition des membres», ajoute-t-elle.

Revoir son rapport avec l’objet

Il n’y a pas que dans la métropole que le prêt d’outils et d’objets a la cote: plusieurs initiatives permettant à des citoyens de travailler manuellement en ayant accès à des espaces, et des outils ont vu le jour en région au cours des dernières années.

Aux Îles-de-la-Madeleine, l’entreprise d’économie sociale Ré-Utîles vient tout juste d’ouvrir un atelier de travail libre avec outils pour ses membres qui peuvent dès lors y réaliser de nombreux projets.

«Ça donne un espace de travail aux patenteux qui n’en ont pas, et c’est un problème criant aux Îles, notamment parce que beaucoup de personnes n’ont pas de logement à l’année, et donc ce serait difficile d’avoir cet espace», indique Pierre-Alexandre Goyette, coordonnateur de l’atelier.

«Par exemple, il y a un outil de 3000 $ dont j’ai besoin, mais je ne l’utiliserais que deux fois par année. Jamais je n’achèterai cet outil-là, mais s’il est mis en commun, ça fait beaucoup plus de sens», poursuit-il.

Selon M. Goyette, l’engouement pour le prêt d’objets et les ateliers communs est symptomatique d’un certain retour aux sources et d’un mode de consommation plus en phase avec des valeurs environnementales et d’économie.

«Je pense que ça s’inscrit dans un mouvement de se réapproprier des enseignements qu’on a perdus, dit-il. On a longtemps été [conditionnés] à tout acheter et on ne sait plus comment les objets fonctionnent, comment ils sont faits. C’est un regain du désir de fabriquer ses propres choses, d’apprendre à les réparer et ça change le rapport qu’on entretient face aux objets.»

Du côté de la capitale, dans le quartier Limoilou, la coopérative La Patente offre depuis 2014 un service similaire à ses membres, qui peuvent travailler aussi bien le bois, le métal et le textile ou bien réaliser des projets informatiques et électroniques dans ses ateliers coopératifs.

Sur les quelque 1725 membres actifs de la coopérative, environ 500 sont des utilisateurs réguliers des services offerts, dont un jardin commun, une recyclerie et un café réparation où est retapée une quantité impressionnante de grille-pains, souligne le coresponsable Guillaume Blanchet.

«De ce que j’ai remarqué, depuis 2020, il y a effectivement une hausse du nombre de membres, indique-t-il. Il y a une conscientisation de plus en plus grande par rapport à l’économie de partage, c’est encourageant.»

Enfin, une bibliothèque d’outils verra le jour sous peu à Rimouski, sous le nom de l’Outillerie.

Emprunter et socialiser

Outre le côté pratique d’avoir accès à différents outils et appareils qui n’encombrent pas sa résidence, l’aspect social et communautaire des entreprises de prêt d’objets est aussi, sinon plus prisé par les membres de ces coopératives.

«Les gens viennent d’abord pour voir ce que La Patente a à offrir, mais le plus souvent, ils restent pour la communauté, estime Guillaume Blanchet. Les gens viennent à la fois développer leur savoir-faire et leur savoir-être.»

M. Goyette abonde en ce sens. «Le projet permet de mettre les outils en commun, mais il y a aussi la création d’une communauté où différentes personnes se rencontrent et partagent leur savoir», illustre-t-il.

Le succès de La Remise repose sur ces échanges davantage que sur la variété d’outils disponibles. «Le projet est consolidé par les bénévoles et des utilisateurs qui ont envie d’être là, souligne Mme Lebeau. La Remise est portée par ces gens-là qui se l’approprient. Je pense que c’est contagieux ce sentiment-là et ça fait grossir constamment nos rangs.»

«L’aspect social, c’est un des plus appréciés chez nos bénévoles, c’est ce qui génère beaucoup d’engagement, renchérit Mme Le Hen. Ce que les gens recherchent, c’est le conseil et le contact humain avec des gens qui partagent des valeurs similaires aux leurs.»

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Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.