Pascale St-Onge souhaite un nouveau mandat pour CBC/Radio-Canada avant les élections
OTTAWA — Le rôle de CBC/Radio-Canada devrait être redéfini avant les prochaines élections fédérales, afin de prémunir le radiodiffuseur public contre un éventuel changement de gouvernement à Ottawa, estime la ministre du Patrimoine, Pascale St-Onge.
Dans une entrevue de fin d’année avec La Presse Canadienne, Mme St-Onge a soutenu que le moment était venu pour son gouvernement de commencer à travailler avec les Canadiens et les experts dans le but de définir ce que CBC/Radio-Canada devrait être au cours de la prochaine année et de la prochaine décennie.
«Et je veux vraiment y parvenir avant les prochaines élections, pour m’assurer que notre diffuseur public soit le mieux positionné possible pour l’avenir», a déclaré Mme St-Onge.
La ministre croit que les secteurs de l’information et de la culture au Canada seraient gravement menacés si les conservateurs formaient un gouvernement dirigé par Pierre Poilievre. Elle ajoute que cette perspective la fait réfléchir aux prochaines élections et à ce qui, selon elle, sera en jeu lors de ce scrutin.
Les conservateurs «ont démontré qu’ils croyaient que le secteur des arts et de la culture devait être laissé au libre marché, a déclaré la ministre. Et nous savons qu’avec des entreprises et des entités étrangères qui occupent autant d’espace en ligne, à Hollywood et à San Francisco, cela signifie que nous abandonnerions, au fond, notre secteur culturel.»
L’opposition conservatrice a déjà promis de supprimer le financement de CBC et de transformer son siège social de Toronto en logements. Les conservateurs promettent par ailleurs de maintenir la programmation en français de Radio-Canada.
«Les Canadiens ont besoin de médias indépendants et libres, et non d’un diffuseur partial qui reçoit chaque année un milliard de dollars des contribuables pour servir de porte-parole du gouvernement libéral», a indiqué vendredi la porte-parole conservatrice en matière de patrimoine, Rachael Thomas, dans une déclaration écrite.
L’indépendance de CBC/Radio-Canada à l’égard du gouvernement est inscrite dans la Loi sur la radiodiffusion, et son financement public est voté par tous les députés.
Mme St-Onge estime que préserver le service en français de Radio-Canada tout en supprimant CBC est «absolument irréalisable», car les deux entités sont intimement liées et dépendent des mêmes ressources humaines et physiques.
«Le diffuseur public est disponible d’un océan à l’autre, et je ne vois pas comment les Canadiens accepteraient que nous financions CBC/Radio-Canada uniquement au Québec ou dans les communautés francophones», a-t-elle soutenu.
Aider aussi le privé
Les libéraux fédéraux promettent depuis des années d’actualiser le mandat de CBC/Radio-Canada afin de répondre aux besoins modernes des Canadiens, alors que le secteur de l’information est confronté à des suppressions d’emplois et à une baisse des revenus publicitaires à cause des «géants du web».
Le radiodiffuseur public a lui aussi annoncé au début de décembre la suppression à venir de 600 emplois et l’abolition de 200 postes vacants, soit près de 10 % de ses effectifs au pays, alors qu’il fait face à un déficit budgétaire de 125 millions $.
«J’étais à Radio-Canada il n’y a pas si longtemps pour l’enregistrement d’une émission, et on sent à quel point ça a un impact sur le moral des employés, a déclaré Mme St-Onge. Il y a beaucoup d’incertitude et d’imprévisibilité. Les gens n’ont pas été informés de la manière dont ces coupes budgétaires se produiraient précisément ni de la manière dont elles seraient réalisées. C’est donc une période difficile.»
En mai dernier, son prédécesseur au Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, a annoncé qu’il avait commencé à revoir le mandat de CBC/Radio-Canada, notamment les moyens par lesquels le gouvernement pourrait accroître son financement du radiodiffuseur public afin qu’il soit moins dépendant des revenus publicitaires.
En vertu de la nouvelle Loi sur les nouvelles en ligne, CBC/Radio-Canada recevra jusqu’à 7 millions $ dans le cadre de l’accord que le gouvernement libéral a conclu avec Google quelques mois après l’arrivée de Mme St-Onge dans ses nouvelles fonctions. «Mais il y a encore de l’incertitude jusqu’au prochain budget fédéral», a admis la ministre.
Le rapport annuel de CBC/Radio-Canada pour l’exercice 2022-2023 montre que le diffuseur public a reçu près de 1,3 milliard $ de financement gouvernemental, et tiré 515 millions $ d’autres revenus tels que la publicité.
Information et culture
En ce qui concerne le journalisme, Mme St-Onge a déclaré qu’elle aimerait que le nouveau mandat du diffuseur public comble les lacunes en information régionale, comprenne une forte présence en ligne, investisse dans la couverture internationale et soutienne les communautés linguistiques en situation minoritaire.
La ministre souhaite également qu’en matière de culture, le diffuseur public continue de mettre en valeur les artistes locaux et de financer des émissions «qui ne verraient pas le jour s’il n’en tenait qu’au secteur privé».
«Je pense qu’il est temps de le faire maintenant parce que le Parti libéral considère que nous avons besoin d’un radiodiffuseur public fort, et nous continuerons de le soutenir», a déclaré Mme St-Onge.
CBC/Radio-Canada contribuera à la révision de son mandat de toutes les manières possibles, a déclaré Leon Mar, porte-parole du radiodiffuseur public.
À compter de l’année prochaine, le ministère du Patrimoine canadien mettra sur pied un comité pour remplacer Catherine Tait à la direction de CBC/Radio-Canada. Cette personne devra être en mesure de diriger le diffuseur public dans sa transformation, a déclaré la ministre responsable.
Mme St-Onge indiquait le 12 décembre dernier aux journalistes que le mandat de Mme Tait prendrait fin «au début de 2025».